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De la multiplication des collections

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                L’hiver dernier, j’accompagnais mon amie Tiphaine qui cherchait un bonnet chez H&M. Alors que les températures flirtaient avec la négative, quelle ne fut pas notre surprise de ne voir que des pièces d’été à la vente alors que nous étions en plein hiver. En ce mois des collections, on nous présente déjà ce que nous porterons l’été prochain alors que nous n’avons pas encore sortis nos manteaux pour l’hiver 2012 ! Le monde de la mode semble déréglé.
Final du défilé Burberry Hiver 2012

Bien sûr, il n’y a rien de répréhensible à regarder vers le futur et à anticiper ce que nous porterons dans quelques mois, sinon André Courrèges n’aurait jamais eu le succès qu’on lui connaît grâce à ses tenues futuristes, entièrement dessinées avec en tête ce que pourrait être une femme en avance sur son temps. Les collections se décalent de plus en plus et il devient compliqué de trouver des pièces de saison au moment où nous en avons le plus besoin. Cela se répercute dans nos magasins qui n’arrivent pas à écouler leurs collections printemps au mois de novembre alors que les clients cherchent à s’emmitoufler dans des manteaux et des écharpes bien à propos. Le consommateur se retrouve bien malgré lui pris dans le tourbillon des collections futures et ne parvient plus à apprécier les collections actuelles. Ce qui est un tort que je partage avec lui : à peine avais-je posé un pied dans la boutique Burberry du Boulevard Saint-Germain au mois de juin dernier que je ne souhaitais qu’une chose : voir de mes propres yeux le long manteau bouffant en velours prune ayant clôturé le défilé Automne-Hiver 2012-2013 de la marque. Et cela en juin! Au lieu de prendre la pleine mesure de la collection été en magasin à l’époque, j’étais déjà passé à la collection suivante et cela à cause du toujours nouveau, du plus innovant, du jamais pareil. C’est ainsi que les collections croisières et les pré-collections ont pris de l’importance et sont arrivées sur le devant de la scène. Ce qui demande encore plus à nos directeurs artistiques préférés car au lieu de deux collections par an, ce sont désormais quatre collections qui sont présentées chaque année.

Cela a des conséquences parfois désolantes. Certains créateurs se retrouvent exsangues à cause de ce système qui leur en demande toujours plus. Et nous nous retrouvons avec des collections inintéressantes comme les collections Paris-Bombay ou Paris-Byzance de Karl Lagerfeld qui essaie de nous endormir en faisant des bijoux artisanaux le point focal de productions dont les coûts exorbitants ne parviennent pas à nous faire oublier que le défilé est juste là pour nous rappeler que Chanel est capable de produire une collection en quelques semaines. Comment lutter contre cette explosion de collections qui nous habituent à voir la mode se renouveller tous les trois mois ?
Pare-moi de bijoux et ne regarde que cela
Tom Ford semble apporter sa propre solution à ce problème et revenir à un rythme moins soutenu, nous laissant savourer pleinement chacune de ses créations. En se refusant à faire défiler les pièces de ses collections bisanuelles, l’ancien directeur artistique de Gucci et chantre du porno-chic sort complétement du système. Ainsi, ses créations ne sont plus démodées avant même d’arriver en boutique comme pourraient l’être des pièces Louis Vuitton, shootées à outrance. Alors que notre attention se porte sur la saison prochaine à peine les pièces de la saison actuelle en boutique, Tom Ford parvient à créer une durée de vie à ses créations supérieure à celle des autres maisons. En feuilletant le Vogue américain de septembre, je me suis aperçu qu’une de ses créations était encore mise en avant alors que sa première apparition publique sur Gwyneth Paltrow aux Oscars remonte à février 2012. Autant dire une éternité dans le monde de la mode ! Nous sommes loin des rythmes de production stakhanovistes des autres maisons de luxe. Tom Ford parvient à susciter une réelle émotion en cultivant la discrétion. Le public ayant le temps de s’imprégner des  créations qu’il révèle avec parcimonie, le créateur réussit à marquer les esprits pendant plusieurs mois ce qui élève ses pièces au rang d’objets cultes dont on guette les apparitions.
Oscars, Février 2012

Cette faible exposition publicitaire de la facette mode de son empire (n’oublions pas cependant l’omniprésence des publicités pour les parfums ou les lunettes Tom Ford) contribuera-t-elle au succès commercial du prêt-à-porter de luxe de ce créateur qui vole ainsi pour la première fois de ses propres ailes ? Le consommateur sera-t-il réceptif à cette volonté d’indépendance ? Le succès d’Azzedine Alaïa qui présente ses collections en privé sans se préoccuper des calendriers des fashions weeks me ferait pencher pour le « oui ». Il est possible de s’affranchir de la grande messe des semaines de la mode. D’ailleurs, l’ouverture prochaine de la première boutique féminine Tom Ford à Paris (alors qu’une boutique homme – que je dois toujours visiter- est déjà implantée Avenue George V) confirmerait cette hypothèse. Dans tous les cas, le pari semble en passe d’être gagné.

Et si on ne parle pas de Tom Ford pour sa mode, ses campagnes publicitaires parfum et lunettes ne manquent jamais de soulever quelques commentaires…



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